Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
TISSER LA PAIX Entre Ladack et Rhône Alpes
10 mai 2010

Lundi 10 mai : une rencontre entre un film "made in Ladakh" et un public français

"Le Ladakh dans les yeux – projection du film « Migchoou » -

 

Participants au projet de Tisser la Paix entre Lac et Rhône, ou simples curieux se sont rendus au collège Henry Dunant de Culoz, lundi 10 Mai, afin d'assister à l'une des rares projections du film « Migchoou » - première production ladakhie. Prés d'une centaine d'enfants et d'adultes sont donc venus à la rencontre de Stanzin et Zangpo, les deux réalisateurs du film. Il faut aussi souligner la présence de Madame l'inspectrice académique de Grenoble, qui a aussi rendu concrétisable ce projet.

 

Le film Migchoou est le fruit d'une ambition commune, celle de faire un cinéma au Ladakh sous l'œil des Ladakhis. Les réalisateurs ont dû donc pallier les manques de moyens financiers mais aussi matériels, compte tenu du fait que l'électricité n'est distribuée que de manière éparse dans l'espace et limitée dans le temps. « Il a fallu négocier aussi avec l'armée » a rappelé Christiane Mordelet, qui permit à nouveau, de tisser le lien entre Ladakhis et Français. Les bandes sons ont été enregistrées à Bombay, puisqu'il n'y a pas de studios d'enregistrement dans les villes ladakhies.

 

Pour rendre leur projet viable, les réalisateurs ont décidé de colorer leur cinéma d'une « bollywood touch », les Indiens étant notamment friands de pauses musicales. C'est avec ceci à l'esprit, qu'ils ont choisis des demeures aisées, le décor fausse ce qu'est la réalité de l'habitat moyen au Ladakh, qui est un foyer modeste, où se réunit généralement une famille largement composée.

 

La famille, telle est une des clefs de ce film. Car si l'aspect matériel a été l'objet d'un compromis jouant défavorablement à la conception de la vie ladakhie, il s'agit de mettre au premier plan les principes moraux scandés tout au long d'une enfance, et qui élève ceux qui les respectent au rang des sages. On découvre alors que si la vie est un cadeau précieux, elle ne nous est pas offerte pour que l'on en fasse un usage hédoniste, mais bien le moyen de persévérer à agir dans l'intérêt de tous. Les prières qu'adresse une mère sur son lit de mort sont destinées à son seul enfant qu'elle chérit dans l'espoir que celui-ci parvienne à une situation méritée par les efforts et que cet enfant se constitue en pensant aux autres. Le caractère éphémère de la vie ne justifie pas que l'individu se concentre sur son sort, et que c'est au contraire en se focalisant sur nos propres souffrances que nous nous éloignons de ce que nous devons saisir dans la vie, telle est la première leçon que nous apprenons.

La famille est la sphère dans laquelle on apprend à vivre. L'enfant se doit de reconnaître le présent de la vie que lui font ses parents, et quelles que soient les choses à venir, il doit s'en souvenir. Ainsi, Sonam, orphelin devenu adulte dans une famille recomposée à la suite du nouveau mariage de son père avec Kunzes, pardonne l'injustice que sa belle-mère lui cause en le négligeant au quotidien, celle-ci ne se souciant que de son fils Tashi, et que son père admet d'une certaine manière, puisqu'il a accepté de cacher son premier mariage à Tashi et qu'il ne sait s'interposer à sa nouvelle femme. Sonam, détourné d'un avenir scolaire prometteur et cantonné aux tâches ménagères et fermières, pardonne à ses parents.

La vie est recherche d'équilibre, voilà un message essentiel du bouddhisme qui transparait dans ce fil qui nous dépeint un sort pathétique de Sonam en contraste de celui de Tashi qui semble mieux se profiler. Enfant, Sonam a perdu sa mère qui voyait en lui un grand potentiel, brisé par un père qui n'a pas su épauler son enfant, devenu alors une aide essentielle pour gérer la ferme, et qui s'est par la suite plié aux exigences de sa nouvelle femme. De cette union nouvelle naît Tisha à qui tout semble sourire. On comprend ainsi le titre Migchoou : « l'eau dans les yeux », il ne s'agit pas de larmes, qu'on verserait une fois pour toute, mais plutot d'un poids que la tristesse nous afflige, et qu'on n'exprime pas pour suivre le cours de la vie. La mère mourante est désolée davantage de la souffrance de son fils que de sa tristesse car elle redoutait ce triste sort pour lui.

Or l'équilibre va être rétabli par une aide incontestable, celle d'un frère qui se révèle. Tashi a grandi sans connaître son lien de parenté avec Sonam et voyant ce dernier harassé par de pénibles travaux et mal-en-point, Tashi prend soin de Sonam, et le temps qui le rapproche délivre le secret de leur fraternité. Tashi restaure donc la place dont Sonam avait été écarté par Kunzes, il redevient un membre à part entière de la famille. Puis, Tashi se soucie du bonheur de Sonam qui attaché au labeur n'avait pu se consacrer à une quelconque affaire de cœur. Il ressoude une alliance que Sonam croyait perdue par son manque d'instruction avec la belle et intelligente Nyilza, devenue docteur.

La boucle est bouclée, lorsqu'on repense aux soucis d'éducation de la mère à l'agonie. Notre vision occidentale relie ces préoccupations aux espoirs méritocratiques que l'on place dans un enfant qui a le goût de l'effort et des facultés pour se promouvoir, ça n'est que superfétatoire si l'on considère l'ampleur du message. Les craintes de la mère portent sur l'inculcation de valeurs et de principes qu'elle espère avoir pu transmettre à son fils pour que celui-ci se conduise en homme bon. Le dénouement instaure une brèche plus nette à nos yeux, et nous soumet le regard de cette culture bouddhiste : Nyilza qui semble être la promise espérée de tous tant par son charme que par le statut qu'elle a su acquérir, recherche avant tout un époux qui sache se comporter avec un certain respect et selon certaines valeurs, qui pourraient manquer à des hommes convenablement instruits.

 

 Le dénouement est heureux, et déclencheur d'émotions plus fortes que celles que nous délivrent n'importe quel happy-end hollywoodien. Sans doute est-ce la teneur en sincérité du film.

 

La projection s'est conclue par un échange extrêmement constructif entre le public intrigué par des détails du film ou des aspects culturels plus larges. Il a fallu notamment mettre en lumière certains clins d'oeil bouddhistes tels que le plan sur le canard pendant l'alitement de la mère, qui a rôle de passeur dans la réincarnation des êtres vivants. Entre autre, des questions plus terre à terre ont été abordées touchant à la scolarité au Ladakh ou à l'évolution du tourisme ou encore aux impacts du réchauffement climatique sur l'environnement ladakhi. L'interaction a été garantie par un échange vif assuré par Philippe Moisan qui retenait les questions et Christiane Mordelet qui poursuivait les traductions. Il est aussi à retenir de cet échange que les réalisateurs ont en vue de nouveaux sujets qu'ils s'attacheront à concrétiser selon leurs moyens, à la suite de la présentation de leur film au festival d'Autrans à l'automne prochain."

                                                                                                                                                Karen Turck


"Bravo à la jeune critique cinéma du blog; elle fait preuve d'une belle force d'analyse et d'une connaissance du phénomène Bollywood. J'ai également trouvé intéressant le décalage que présente pour moi ce film entre l'idée d'un ladakh de là Bas et la volonté emergeante d'une jeunesse plus mondialisante ... le tout sur des fonds de chromos icônes et de chansons entrainantes. super"

Lionel BASTIAND
Directeur de l'école de Chindrieux

Si vous souhaitez contacter et/ou soutenir les réalisateurs et créateurs d'HIMALAYAN FILM Studio.
Si vous souhaitez acquérir :

Le CD de la  Bande Originale du Film - vendue au prix de 10 euros

Le CD de la Musique Originale de leurs précédentes réalisations-vendue au prix de 8 euros.

                         Soutenez leur travail et leur engagement !

                                           Contactez nous !

 

                                   tisserlapaix-alcc@hotmail.fr

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité